Marques, restez inventives face à la contrefaçon en ligne [Tribune]



La contrefaçon reste encore et toujours un vrai fléau pour les marques. Comment lutter contre ces faux produits qui pullulent sur les marketplaces? Voici la réponse de Frédéric Jung, directeur de Brandsays et François-Xavier Langlais, avocat associé chez Quantic avocats, cabinet spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et droit de l’informatique

Près de 500 milliards de dollars
Voilà ce que pèse le marché mondial de la contrefaçon. Endémique, la contrefaçon sévit sur les grandes plateformes de vente en ligne. Le numérique change la donne et les contrefacteurs sont professionnalisés. Pour y faire face, les marques adaptent leur stratégie, collaborent avec les intermédiaires et spécialisent leurs équipes. Parce que le fléau de la contrefaçon impacte toute la société, les marques sont et restent l’un des grands garants de la confiance préservée des consommateurs.

Et c’est avec le développement faramineux des grandes places de marché que la contrefaçon prend une ampleur jamais atteinte encore. Qu’il s’agisse des marketplaces ou  des réseaux sociaux, les possibilités de croiser un produit contrefait sont légion. En ligne, deux grandes atteintes à leurs droits font particulièrement pâlir les entreprises. D’une part, la contrefaçon stricto sensu, c’est-à-dire la reproduction ou l’imitation de la marque et de ses produits, de façon identique ou similaire. D’autre part, l’atteinte à l’image de la marque, son e-réputation, notamment via l’usurpation d’identité.  

Face à la contrefaçon, ne pas se tromper de cible
L’ennemi à abattre n’est pas la place de marché et ceci pour deux raisons principales. La première, parce qu’Amazon, AliBaba, eBay et consorts sont, en l’état du droit international, difficilement atteignables, compte tenu de l’ambiguïté des normes applicables. La seconde, parce qu’une place de marché est regardée par le juge (français et européen en l’occurrence) comme un intermédiaire ayant la qualité d’hébergeur et qu’à ce titre, sa responsabilité ne pourrait être engagée que s’il peut être démontré qu’elle a eu un rôle actif dans la mise en vente de produits de contrefaçon. Certains s’y sont essayés.  Face à cet adversaire invisible ou si difficile à identifier, des marques se désengagent des places de marché qu’elles fréquentaient, pour protéger ce qu’elles ont de plus cher, leur image et la relation à leur clientèle, au risque d’y perdre beaucoup financièrement. C’est toutefois un peu extrême. Il est des méthodes à adopter et des stratégies à mettre en place pour faire jouer les quelques mesures de protection aujourd’hui disponibles. 

Aiguiser ses armes, face aux nouvelles méthodes des contrefacteurs
À commencer par revoir et corriger sa stratégie de protection des droits de propriété intellectuelle sur les produits et les marques afin de l’adapter au commerce en ligne. Car la contrefaçon est insidieuse autant qu’elle ne cesse de se professionnaliser.  Ainsi et par exemple, les fraudeurs n’hésitent plus à s’entourer de conseils en propriété industrielle pour apporter à leurs copies les subtiles différences qui les sortiront du champ de la contrefaçon. Pour se prémunir de ces techniques quasi-mafieuses, l’entreprise doit dorénavant anticiper et, par exemple, déposer des dessins & modèles prenant en compte les éventuelles variations qui pourraient être imaginées.  Le but de la manœuvre est de faciliter le travail des équipes de la plateforme de vente en ligne. En effet, la plupart ont mis en place des procédures de notification d’atteinte aux droits. Mais en présence de différences vis-à-vis du dessin-modèle enregistré, ne prenant pas en compte les modifications effectuées par les fraudeurs, la procédure est généralement inefficace. De la même façon, collaborer avec la marketplace est la meilleure des attitudes à adopter. D’autant que de leur côté, les places de marché ne restent pas les bras ballants puisque, quoi qu’on en dise, il y va également de leur réputation et qu’il serait malvenu d’être définitivement identifiée comme un repaire de brigands et de bandes organisées. C’est pourquoi les entreprises ont tout à gagner en s’identifiant au Brand Registry des plateformes, ce qui leur permet à la fois d’authentifier les produits qu’elles vendent et d’être notifiées en cas d’atteinte à leurs marques. Les plateformes de vente en ligne se montrent également généralement réactives face aux ordonnances d’injonction délivrées à l’encontre d’un vendeur. D’ailleurs, les particularités de la vente en ligne impliquent, pour faire réaliser le constat de la fraude, une succession de diligences techniques que tous les huissiers ne connaissent pas nécessairement. 

Propriété intellectuelle et droit des marques : ne jamais baisser les bras
Qui gagnera à ce jeu (bien peu plaisant) du chat et de la souris ? Difficile à dire en l’état du droit, très nettement insuffisant pour l’heure. Les producteurs peuvent, par exemple se tourner vers des solutions comme les marques tridimensionnelles, lesquelles exigent au demeurant un caractère distinctif pas toujours facile à apprécier. Reste qu’il semble nécessaire de ne pas oublier que toute initiative en la matière, qu’elle soit pédagogique, technologique et/ou judiciaire, est à porter au crédit des marques, dont le rôle de sensibilisation sur la question procède d’un véritable intérêt général, compte tenu de l’impact sociétal que la contrefaçon engendre. 

Retrouvez notre tribune sur le site LSA :
https://www.lsa-conso.fr/marques-restez-inventives-face-a-la-contrefacon-en-ligne,311971

François-Xavier Langlais et Frédéric Jung

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